9/10Arn - Tome 1 - La vengeance d'Arn

/ Critique - écrit par iscarioth, le 14/05/2006
Notre verdict : 9/10 - Un classique ! (Fiche technique)

Tags : arn jean gal claude dionnet pierre humanoides

Il y a des albums ou séries qui ont considérablement marqué la bande dessinée. C'est ce que l'on appelle souvent les "classiques" ou "BD cultes". Les deux albums d'Arn font partie de ceux là.

Un chant épique

Il y a des albums ou séries qui ont considérablement marqué la bande dessinée. C'est ce que l'on appelle souvent les "classiques" ou "BD cultes". Les deux albums d'Arn font partie de ceux là. Plus précisément, Arn est à signaler dans la liste des oeuvres ayant marquées pour leur gestion du noir et blanc. Le diptyque est digne de figurer aux cotés d'autres monuments comme Silence de Didier Comès, Mort Cinder de Hector German Oesterheld et Alberto Breccia ou encore Le grand pouvoir du Chninkel de Grzegorz Rosinski et Jean Van Hamme.

L'histoire d'Arn, un prince déchu qui part à la reconquête du pouvoir, nous est contée en deux livres. Le premier livre, La vengeance d'Arn, raconte, comme son nom l'indique, l'histoire d'un prince déchu. Arn Ronan, éloigné du pouvoir dès l'enfance par un conquérant, cherche à regagner son trône. Il s'évade de la gigantesque prison dans laquelle on l'a cloîtré et part à la poursuite de l'usurpateur. Une histoire qui, surtout dans ses premiers moments, n'est pas sans rappeler celle de Conan le barbare. Dans le second livre, Le triomphe d'Arn, notre héros s'érige en conquérant et part avec son armée, constituée de plusieurs peuplades, pour une longue marche vers le royaume du tout puissant roi Imerose. Arn n'est pas un scénario de bande dessinée comme un autre. Dans la plupart des séries héroïc fantasy, on nous présente un héros ou un groupe de héros et on fait vivre le lecteur avec les personnages le temps d'une quête. Il n'en est rien ici. Arn, c'est un récit mythologique, une légende. L'essentiel de la narration se base sur l'imagerie, le gigantisme visuel. Le diptyque Arn, c'est un peu comme un mythe transmis par l'oralité pendant des siècles puis couché sur le papier. On est dans l'épique. Pas de discussions, seulement des déclarations. Aucune pensée dévoilée, juste de l'action. Pas de narration explicative, mais un discours poétique rédigé au passé simple. Sur deux tomes, Dionnet et Gal nous offrent à lire une tragédie en trois actes : la vengeance, le triomphe et la chute.

Chef d'oeuvre, planète noir et blanc

01_250Avec Arn, la communication est avant tout visuelle. L'esthétique des deux albums est celtique, souvent démesurément, jusqu'au baroque. De grands habits de tissus, de bronze et de fer. Une nature infinie et dantesque : des pleines brumeuses, des monts aux énormes dénivelés et des canyons vertigineux. La performance graphique est incroyable. Aucune planche ne dépasse les trois lignes de vignettes alors que l'album est de grande taille. En fait, la plupart des planches cassent l'organisation traditionnelle de la bande dessinée : pas de lignes de cases ni de colonnes. Beaucoup de pleines pages et de doubles pleines pages. Des vignettes qui se bousculent et s'incrustent au coeur d'un fond panoramique tout en respectant le sens de lecture. En plus de cette intelligence de la mise en cadre, ce que l'on retient est l'extrême précision du dessin. Entièrement réalisé à l'encre de chine, le diptyque est un chef d'oeuvre pictural. D'une complexité photographique, chaque planche est inondée de détails. On peut relever la moindre fissure dans le sol, la moindre imperfection sur la peau d'un personnage, on peut arriver à cerner de l'oeil la plus petite brique au coin d'un gigantesque bâtiment. Rien n'est bâclé, aucun arrière plan n'a été délaissé. La gestion de la lumière est elle aussi impeccable, il est très surprenant de constater à quel point les effets de lumière pèsent dans l'impression que nous laisse un album réalisé en parfaite maîtrise du noir et blanc. Le diptyque d'Arn est un incontournable de la fantasy franco-belge. A partir de 2005, les oeuvres de Dionnet et Gal, dont le diptyque d'Arn, ont été rééditées par les Humanos. Au passage, on les a colorisé. Silence, Le Chninkel, toutes les grandes oeuvres noir et blanc de la BD franco-belge passent à la trappe pour leur réédition du 21ème siècle. Difficile de s'empêcher d'être scandalisé devant un tel gribouillage. Quel intérêt de dépoussiérer des planches vieilles de plus de vingt ans, créées et pensées en noir et blanc, pour les coloriser ? Cette réédition aura sûrement au moins eu le mérite de faire découvrir Arn à quelques bédéphiles.

Les armées du conquérant

Si le diptyque d'Arn représente le sommet de la carrière de Jean-Claude Gal et de Jean-Pierre Dionnet, il n'en est pas pour autant leur seul travail commun. C'est en travaillant pour Métal Hurlant que le duo développe son univers fantasy, à une époque où la bande dessinée franco-belge se souciait peu des genres HF et SF (arriveront heureusement les Valérian, John Difool et autres Arkadi). Quatre ans avant la sortie de La vengeance d'Arn sort Les armées du conquérant, chez les toutes jeunes éditions Humanoïdes Associés (créées quatre ans plus tôt par Dionnet, Moebius et Druillet). Moins abouti graphiquement que le diptyque d'Arn, Les armées du conquérant n'en demeure pas moins très efficace. On retrouve l'esthétique guerrière, celtique, rocailleuse et monumentale développée dans Arn. Les armées du conquérant se compose d'une succession de nouvelles d'une dizaine de pages en moyenne. La chute de chaque petite histoire tourne autour du « qui est pris qui croyait prendre ». Le ton des récits est assez glauque. Les auteurs manient un humour noir très grinçant.


En 1995, les trois oeuvres communes de Jean-Claude Gal et de Jean-Pierre Dionnet ; Les armées du conquérant, La vengeance d'Arn et le Triomphe d'Arn, ont été réunies dans la compilation Epopées Fantastiques. Des classiques de la bande dessinée à découvrir si ce n'est déjà fait.